Maryse Éwanjé-Épée : Portrait d’une légende française du saut en hauteur

Icône du saut en hauteur français dans les années 1980-1990, Maryse Éwanjé-Épée a longtemps détenu un record national qui a résisté vingt-deux ans. Deux fois finaliste olympique, médaillée continentale à trois reprises et championne de France à seize occasions, elle a ensuite construit une seconde carrière de journaliste, d’autrice et d’ambassadrice du sport. Sa trajectoire illustre à la fois la puissance de la mixité culturelle, l’importance de l’éducation sportive précoce et la capacité d’une athlète à se réinventer loin des stades.

Origines et jeunesse de Maryse Éwanjé-Épée

Née le 4 septembre 1964 à Poitiers d’un père camerounais musicien et d’une mère française d’ascendance catalane, Maryse grandit dans une fratrie de quatre sœurs où l’athlétisme est roi. Repérée à huit ans lors d’une initiation scolaire près de Clermont-Ferrand, elle rejoint le Montpellier Université Club à onze ans sous la houlette de Dominique Biau, ancien perchiste et professeur de mathématiques qui lui fait goûter à toutes les disciplines combinées avant de la guider vers le saut en hauteur. Élève curieuse, elle alterne entraînements et études, apprend l’anglais puis l’espagnol, et développe déjà le sens de la polyvalence qui marquera son parcours.

Carrière sportive en athlétisme

Au début des années 1980, Éwanjé-Épée s’impose rapidement dans les catégories jeunes françaises et décroche son premier titre national senior à dix-huit ans. En 1984, elle est sélectionnée pour les Jeux de Los Angeles, où sa quatrième place — 1,94 m franchi à la troisième tentative — sonne comme une promesse. L’année suivante, elle pulvérise le record de France avec 1,96 m à Colombes et ajoute un titre NCAA sous les couleurs de l’Université d’Arizona, record universitaire qui tiendra onze ans. Entre 1983 et 1995, elle empile huit titres nationaux plein air et huit en salle, tout en jonglant avec des blessures récurrentes au pied d’appel.

Performances et palmarès

Au plan international, la Française collectionne les médailles en salle : bronze européen à Budapest 1983, argent à Göteborg 1984, bronze encore à La Haye 1989. Elle s’adjuge l’or aux Jeux méditerranéens de Casablanca et à la Francophonie, ainsi qu’un bronze à l’Universiade d’Edmonton. Sa marque fétiche de 1,96 m — un saut au style fluide, proche du Fosbury Flop originel mais avec une impulsion particulièrement tonique — reste le standard français jusqu’en 2007, date à laquelle Mélanie Melfort l’égale seulement.

Parcours international et Jeux Olympiques

Après Los Angeles, Maryse revient aux Jeux à Séoul 1988 et se classe dixième d’un concours dominé par Stefka Kostadinova. Elle rate la qualification pour Barcelone 1992 et Atlanta 1996 d’un centimètre, frustration qui précipite sa retraite sportive. Néanmoins, elle aura inscrit 38 sélections en équipe de France, disputé trois championnats du monde et porté le maillot tricolore sur tous les continents.

Engagements et reconversion après la carrière de Maryse Éwanjé-Épée

Diplômée en sciences de la communication, elle rejoint dès 1996 les plateaux télé de Canal+ puis d’Eurosport, commente les Jeux, produit des chroniques radio et écrit plusieurs ouvrages dont une biographie de Jesse Owens. Engagée en faveur de l’égalité femmes-hommes et de la transmission culturelle, elle siège au comité « Sport et Diversité » de Paris 2024, intervient dans les lycées d’Île-de-France et anime des masterclasses sur la prise de parole. Son credo : rendre le sport accessible et raconter les histoires qui l’entourent.

Vie personnelle et valeurs

Mariée en 1988 à l’animateur sportif Marc Maury, dont elle divorce en 2007, Maryse est mère de quatre enfants. Polyglotte, passionnée de jazz et de littérature afro-américaine, elle puise ses forces dans un humanisme assumé : respect de toutes les cultures, curiosité intellectuelle et exigence de rigueur. Ces valeurs irriguent ses prises de parole publiques, mais aussi ses engagements de terrain auprès des jeunes athlètes et des associations de lutte contre les discriminations.

Héritage, impact et inspiration

Son record national prolongé, son style élégant et sa longévité ont inspiré plusieurs générations de sauteuses françaises, de Mélanie Melfort à Solène Gicquel. Figure médiatique rare pour une femme noire du sport français des années 1990, elle a contribué à rendre visibles les athlètes issues de la diversité et à normaliser la présence féminine sur les plateaux de consultants. Sa sœur cadette, Monique Éwanjé-Épée, devenue championne d’Europe du 100 m haies, complète un tableau familial souvent cité comme un modèle de réussite plurielle.

Anecdotes et moments marquants de Maryse Éwanjé-Épée

  • 21 juillet 1985 : en franchissant 1,96 m à son deuxième essai sous un ciel orageux, elle bat le record de France… puis fait un tour d’honneur pieds nus pour « sentir l’herbe ».
  • Jeux de Los Angeles 1984 : sa quatrième place est célébrée comme la meilleure performance olympique tricolore en hauteur depuis 1924, mais elle avoue avoir passé la nuit suivante à refaire son concours « barre par barre » sur un carnet.
  • Été 1991 : alors qu’elle soigne une tendinite, elle commente depuis la cabine d’Eurosport les Mondiaux de Tokyo ; cette première expérience face caméra déclenche sa reconversion.
  • 2016 : publication de « Jesse », ouvrage jeunesse sur Owens, dont elle lit des extraits dans 30 collèges pour promouvoir la résilience.
  • 2024 : nommée marraine du relais de la flamme Paris 2024 pour l’étape de Poitiers, elle court les 200 m symboliques avec ses trois filles et son petit-fils, prouvant que la passion saute parfois deux générations.

Du tartan olympique aux studios de télévision, Maryse Éwanjé-Épée a démontré qu’on pouvait franchir plus qu’une barre : les limites de son époque, les stéréotypes de genre et les frontières culturelles. Son histoire demeure une inspiration pour quiconque pense que la hauteur, en sport comme dans la vie, se mesure autant en centimètres qu’en horizons ouverts.

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